Bassiriki Diabaté, le père tranquille des Éléphanteaux

Il ne crie jamais. Il corrige, ajuste, rassure. Depuis son banc, Bassiriki Diabaté dirige sans fracas. Mais à mesure que la CAN U-17 CAF TotalEnergies 2025 avance, sa patte devient visible. Dans l’attitude des joueurs. Dans les circuits de passe. Dans la manière d’être. À 46 ans, le sélectionneur des U-17 ivoiriens n’est pas là pour faire du bruit. Il est là pour reconstruire. Et transmettre.
« Moi, je l’appelle papa », sourit Christ Yannick Kouassi, le gardien de la sélection. Un surnom affectueux. Mais aussi révélateur. À l’écouter, le lien avec Diabaté dépasse le cadre du terrain. « Il est toujours là pour nous. Quand on perd, quand on doute, il nous soutient. Il croit en nous, même quand nous, on n’y croit plus. »
Une CAN pour renouer avec le passé
La Côte d’Ivoire n’avait plus disputé la Coupe d’Afrique des Nations U-17 depuis douze ans. Une éternité. Pour une nation qui avait jadis conquis le titre continental (en 2013), cette absence tenait presque de l’anomalie. Diabaté en était conscient en reprenant l’équipe à l’automne 2022. Et il ne s’en est jamais caché : « Cette compétition, c’est d’abord une chance de mesurer nos progrès. Mais surtout de prouver que la Côte d’Ivoire peut à nouveau compter. »
Depuis le début du tournoi au Maroc, ses Éléphanteaux ont montré un visage séduisant. Trois victoires en phase de groupes, une qualification à l’arrachée contre le Sénégal en quart, et une demi-finale perdue contre le pays hôte, dans un match tendu. Au-delà des résultats, c’est l’idée de jeu qui frappe. De la verticalité, de la vivacité, du mouvement. Un style que le sélectionneur revendique pleinement.
Des bancs d’université aux bancs de touche
Ce choix du terrain, il ne l’a pas fait sans résistances. Une licence en Philosophie et une maîtrise en Droit et Administration Publique en poche Diabaté aurait pu faire carrière ailleurs. Dans un bureau, dans une direction, dans une institution. C’est d’ailleurs ce que sa famille espérait pour lui. « On me disait que le football, ce n’était pas un métier. Que c’était une passion, un hobby. Pas une voie sérieuse. » Il a dû convaincre, expliquer, insister.
Il commence par former plusieurs joueurs de la génération 2015 au sein de l’académie Cyril Domoraud, parmi lesquels Junior Tallo Gadji, Wilfried Kanon, et Jean-Michaël Seri, futur champion d’Afrique en 2023. Par la suite, il remporte le championnat ivoirien à la tête du Racing Club d’Abidjan en 2020. Ce n’est qu’en 2022 qu’il prend officiellement les rênes de la sélection U17. « Ce n’est pas une promotion, affirme-t-il. C’est une responsabilité. Je travaille pour l’avenir de notre football. »
Une équipe comme une famille
Dans ce projet, les joueurs ne sont pas des pions. Ils sont des adolescents. Parfois fragiles, parfois brillants, toujours en construction. Diabaté ne l’oublie jamais. « Il sait ce qu’on vit. Il sait quand ça va, et quand ça ne va pas », résume Kouassi. Ce rapport humain, nourri par l’écoute et le respect, est sans doute sa plus grande force.
Les joueurs parlent de lui avec admiration. Les mots qui reviennent le plus souvent : calme, confiance, sérénité. « Il ne panique jamais. Même quand on est menés. Il regarde, il ajuste, il parle juste », glisse un membre du staff. Cette posture inspire. Et dans un tournoi comme celui-ci, où les émotions débordent vite, elle apaise.
L’identité avant tout
Dans chaque discours d’avant-match, Diabaté revient sur la même idée : l’identité. « Il faut savoir qui nous sommes. Ce que nous savons faire. Ce que nous voulons montrer. » Cette identité ivoirienne, il la décrit comme « un mélange de spontanéité, de créativité, d’élégance dans le jeu et très offensif. » Il ne s’agit pas de reproduire un modèle européen ou brésilien, mais bien d’assumer une tradition locale, nourrie par des décennies de talents.
C’est pour cela qu’il refuse de brider ses joueurs. Il les responsabilise, les pousse à prendre des initiatives. « Je leur dis souvent : vous êtes jeunes, mais vous êtes aussi ambassadeurs de notre football. »
Une vision soutenue en interne
Diabaté n’avance pas seul. Il bénéficie du soutien affiché de la Fédération ivoirienne de football, et notamment de son président, Yacine Idriss Diallo, très engagé sur les questions de formation. « Ce que fait Bassiriki avec cette équipe, c’est ce que nous voulons pour toutes nos sélections jeunes : du sérieux, de l’ambition, de la fierté », affirme un cadre fédéral.
L’objectif à moyen terme est clair : qualifier régulièrement les jeunes sélections aux CAN et aux Coupes du Monde, et les préparer au haut niveau. Pour cela, Diabaté construit méthodiquement, sans précipitation. Il insiste sur le suivi post-tournoi, sur la continuité du travail. « Une CAN, ce n’est pas un aboutissement. C’est un point de passage. »
Une dernière marche à gravir
Ce vendredi, les Éléphanteaux joueront la petite finale face au Burkina Faso au stade Laarbi Zaouli à Casablanca. Une médaille de bronze en jeu. Un dernier effort. Une promesse à tenir. « Terminer par une victoire, ce serait une belle récompense pour ce groupe. Ils le méritent. » Là encore, Diabaté s’efface derrière ses joueurs. Toujours.
Il n’en dira pas beaucoup plus. Ce n’est pas son genre. Mais son regard en dit long. Sur l’investissement. Sur l’engagement. Sur la fierté discrète. Sur ce métier qu’il a choisi, envers et contre tout. Et qu’il exerce aujourd’hui avec dignité.